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Comprendre les crédits carbones

juillet 2025
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Auguste GRIGNON DUMOULIN
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Parmi les différents produits d’investissement disponibles, l’un d’entre eux fait encore peu de bruit malgré son potentiel. Il s’agit des crédits carbones, des certificats finançant des projets environnement et qui attestent que ce dernier a permis d’éviter ou de séquestrer l’émission de dioxyde de carbone. En les achetant, les entreprises peuvent également compenser leurs propres émissions carbones.

C’est pour mieux comprendre ces produits que la commission « Placements » de l’AFTE a organisé le 26 juin une réunion sur le sujet. Alexandre Martin-Min, responsable du private equity à impact et des stratégies de Capital Naturel à Axa IM Alts, et Bailey Wamp, responsable mondiale de la responsabilité sociale, de la diversité et de l’inclusion à Sia Partners, ont participé à cet échange en apportant chacun leur expertise et leur témoignage.

Attention toutefois, les crédits carbones ne sont pas des produits cash equivalent, encore moins lorsqu'ils sont commercialisés via des fonds de non-coté, mais plutôt des investissements de conviction pour les entreprise ayant une poche à cet égard.

Un outil pour atteindre le net zéro

Les crédits carbones sont des certificats achetables sur les marchés financiers, qui financent des projets ayant un impact sur l‘environnement. Il en existe autant qu’il existe de types de projet : reforestation d’un terrain abîmé, génération d’énergie de façon durable, processus de méthanisation…

Dans le cadre d’une reforestation par exemple, des plantations sont effectuées et augmentent la biomasse. Un modèle convertit ensuite l’augmentation annuelle de la biomasse en crédits carbones (chaque crédit correspondant à l’évitement ou la séquestration d’une tonne de dioxyde de carbone équivalent), qui seront ensuite vendus à des entreprises.

Ces crédits s’inscrivent au bilan de l’acheteur et leur permettent de compenser comptablement leurs propres émissions carbones. Concrètement, une fois achetés, l’entreprise peut décider de les « retirer » quand elle le souhaite (dès l’achat ou 10 ans après, peu importe). Ce retrait est traçable dans un registre et prouve que l’entreprise, grâce à son financement, a compensé l’émission de X tonnes de CO2. Elle peut ensuite communiquer sur cette action au travers de rapports ou sur son site internet.

Attention toutefois : il s’agit d’une compensation et non d’une réduction directe des émissions de CO2 de l’entreprise. Les crédits carbone sont ainsi utilisés par les entreprises dans le cadre de leur objectif 0 émission nette en carbone.

Investir dans les crédits de qualité

Dans l’univers des crédits carbone, il existe différents projets avec des qualités différentes, ce qui a une influence sur le prix du certificat. Pour reconnaître ceux dits à « haute intégrité », il existe des labels attestant de leur caractère vertueux. Ils assurent que les réductions d’émissions sont réelles, mesurables, vérifiables et additionnelles (c’est-à-dire qu’elles n’auraient pas eu lieu sans le financement par les crédits). Les principaux sont Gold Standard, Verified Carbon Standard ou encore Label Bas Carbone (label national français).

Cette intégrité exerce une influence sur les prix car les entreprises achètent rapidement l'offre de crédits de haute qualité. Elles sécurisent même parfois l’offre future en se positionnant en amont de la production des certificats. Elles cherchent ainsi à éviter les crédits de mauvaise qualité, qui font courir des risques réputationnels comme de l’écoblanchiment (greenwashing). Certains projets ont par exemple prétendu reforester des zones alors qu’il n’en était rien. Les entreprises qui cherchent à atteindre leur objectif d’émission nette 0 sont donc attentives et sécurisent les crédits de qualité pour éviter des dégâts irréversibles sur leur image.

Le prix d’un crédit carbone peut varier de 50 centimes la tonne et monter jusqu’à 200 euros. Le coût de production d’un crédit de qualité oscille quant à lui entre 10 et 30 dollars, selon AXA IM Alts.

Une forte dynamique

Les investisseurs peuvent acheter des crédits en direct ou passer par le truchement d’un fonds. L’avantage de ce dernier est que, moyennement des frais de gestion, l’équipe d’investissement se chargera de faire la due diligence des projets. L’équipe Capital Naturel d’AXA IM Alts (une des rares sociétés de gestion à proposer un fonds sur le sujet) identifie par exemple les projets, se rend sur place pour attester de leur caractère vertueux, les finance et redistribue la plus-value réalisée lors de la revente des crédits carbones aux investisseurs.

Le fonds dispose actuellement de 500 millions de dollars d’encours, dont 200 millions ont déjà été investis, et vise une taille de 750 millions de dollars. Il cible également un TRI de 10% à 12%. Cette performance résulte de la différence entre le coût de production d’un crédit carbone et son prix de vente final.

« Le projet Mombak concerne par exemple la restauration des forêts indigènes de l'Amazonie brésilienne par une entreprise. Nous avons investi dedans il y a deux ans et devrions recevoir les premiers crédits d’ici trois à quatre ans. Ce projet doit fournir 1 à 2 millions de tonnes par an de crédit de haute intégrité. Des acteurs comme Microsoft ou McLaren se sont déjà engagés à acheter de futurs crédits à au moins 50 dollars la tonne. La plus-value sera redistribuée aux investisseurs sous la forme de dividendes et à la sortie du fonds », explique Alexandre Martin-Min.

Il faut toutefois noter qu’il s’agit d’un investissement dans un fonds de non-coté. Les investisseurs doivent donc être prêts à bloquer un minimum de 5 millions d’euros sur une période de 15 ans. Il ne s’agit donc pas d’un produit cash equivalent mais plutôt d’un investissement de conviction pour une boîte disposant d’une poche à cet égard. D’autant que le fonds donne seulement accès à la performance financière, les investisseurs ne détenant pas les crédits carbones à leur bilan.

Mais « la dynamique est forte », informe Alexandre Martin-Min. « Des acteurs comme Amazon ne rendent pas encore obligatoire les exigences nettes zéro aux entreprises sur leur plateforme mais y tendent. Pour cela, ils leur vendront des crédits carbones qu’ils auront préalablement achetés ». En raison de l’offre limitée de crédits de haute qualité et d’un intérêt qui devrait aller croissant, la société de gestion se montre optimiste sur l’avenir de ce marché.

Le cabinet Sia Partners, qui a investi dans les crédits carbones, était également présent à la conférence et a partagé son retour d’expérience. Pour ne rien manquer des sujets de trésorerie, connectez-vous aux prochaines réunions de l’AFTE.

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