Actifs numériques et monnaies numériques de banque centrale
Recueil des synthèses des vingt sessions des Journées de l'AFTE 2024
La chaîne de blocs (blockchain) et les actifs numériques qu’elle véhicule auront probablement un impact important sur la trésorerie, notamment au travers des paiements et des valeurs mobilières. Ce registre distribué (distributed ledger) peut faciliter les réconciliations, rendre plus efficace la lutte contre la fraude, ou encore standardiser la gestion des comptes bancaires, et surtout, assurer la simultanéité entre une action et son résultat. A terme, l’architecture du système fi nancier, où l’on trouve des monnaies de banque centrale (pièces, billets, et monnaies de banque centrale de gros destinées aux échanges interbancaires) et de la monnaie commerciale, mais encore des messageries (Swift, Ebics, etc.) qui connectent les acteurs financiers entre eux et avec les entreprises, pourrait s’en trouver bouleversée.
Inscription sur un registre unique
La chaîne de blocs, qui a d’abord véhiculé des cryptoactifs comme le bitcoin ou l’ether, puis des jetons stables (adossés à des monnaies fiat et régis par le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs entré en application le 30 décembre 2024), et enfin des actifs financiers (obligations, papier commercial, parts de fonds, etc.), pourrait avoir sur le système financier un impact de même ampleur que celui produit par l’internet sur les télécommunications, selon Stéphanie Cabossiora. Alors que les transactions financières sont aujourd’hui identifiées sur de multiples registres (tenus par les banques, les dépositaires centraux, les plates-formes de négociation, les systèmes de règlement, etc.), elles pourraient, explique la représentante de Société générale Forge, être demain inscrites sur un registre unique partagé par tous les acteurs du système financier et consultable à tout moment.
La Banque de France, « dans un esprit de partenariat public-privé », procède de son côté, à partir de sa propre chaîne de blocs baptisée DL3S, à des expérimentations dans lesquelles une monnaie numérique de banque centrale de gros sert à régler des actifs tokenisés (inscrits sur une chaîne de blocs), à réaliser des paiements transfrontaliers, ou encore à « tokeniser » des dépôts. Des travaux sont en cours, visant à créer une infrastructure européenne que Claudine Hurman appelle de ses voeux. Quant aux banques commerciales, elles travaillent avec intérêt à un cadre standardisé de format et de tenue de compte qui devrait ménager un accès direct aux informations par les logiciels de trésorerie et permettrait d’assurer la simultanéité entre l’instruction de paiement et le paiement lui-même, selon Guénolé de Cadoudal.
Quand et par qui ?
A quelle échéance pourrait émerger le nouveau système financier ? D’ici à deux ou trois ans et parallèlement à la création de marchés secondaires, s’ajouteraient aux obligations, au papier commercial et aux parts de fonds, d’autres actifs tokenisés et apparaîtraient des chaînes de blocs spécifiquement tournées vers les
transactions financières.
A plus long terme, « tous les actifs financiers » pourraient être concernés, alors que se généraliserait l’utilisation des protocoles de la finance désintermédiée (automates exécuteurs de clauses ou smart contracts) permettant d’automatiser les transactions.
Le rythme dépendra de la vitesse d’adoption des usages par les trésoriers, de la qualité des nouveaux services et du cadre légal, selon Guénolé de Cadoudal, qui distingue trois scénarios possibles : celui, « le plus probable », où l’offre bancaire s’ajouterait aux services existants, celui où l’évolution serait « pilotée » par les législateurs et les autorités, et enfin, celui, plus disruptif, qui se construirait autour de l’offre d’acteurs non bancaires.
🎤 Ils ont pris la parole lors de cette session
Stéphanie Cabossiora, Société générale Forge
Raphaël Marek, Swift
Claudine Hurman, Banque de France
Guénolé de Cadoudai, Crédit Agricole CIB
🗣️ Ils ont animé les échanges
Flora Camp, PwC
Frédéric Saunier, Diapason
Le design de l'euro numérique progresse
La Banque de France contribue activement au projet de l'euro numérique. Elle dialogue régulièrement avec le marché pour présenter l’évolution du projet. C’est pourquoi Alexandre Stervinou, directeur des études et de la surveillance des paiements à la Banque de France, a participé à une conférence en octobre 2024 organisée par la délégation régionale Hauts-de-France de l’AFTE. Il a, à cette occasion, partagé les dernières avancées.