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Les trésoreries se dégradent, les délais de paiement s’allongent : panorama du contexte économique

mai 2025
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Auguste Grignon Dumoulin
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Ouvert à tous

Points clés à retenir :

  • La trésorerie des TPE-PME continue à se dégrader et seulement 10% d'entre elles anticipent une amélioration au cours des trois prochains mois;

  • La quasi-totalité des entreprises pensent les dépôts de bilan de leurs clients vont continuer;

  • En réponse, les délais de paiement s’allongent, à 17,3 jours contre 14,8 jours en octobre 2023;

  • La facture électronique et des amendes proportionnelles aux résultats sont plébiscitées pour réduire les délais;

  • L’AFTE rappelle son attachement au respect des délais de paiement, qu’ils soient contractuels ou légaux.

La situation est tendue. Un tiers des TPE-PME font état d’une dégradation de leur trésorerie, renseigne le dernier baromètre de Bpifrance (1) réalisé entre le 14 et le 25 avril 2025. Les perspectives sont moroses : seulement 10 % anticipent une amélioration au cours des trois prochains mois. Ce sont les conséquences de l’incertitude politique en France, de l’imprévisibilité de Donald Trump et de la guerre en Ukraine.

Plus d’un sondé sur deux considèrent le manque de visibilité sur la politique économique française comme le risque principal en 2025. Ils redoutent de futurs impôts visant à redresser les finances publiques. En réponse à ces craintes, le gouvernement indique vouloir s'attaquer aux dépenses publiques et non aux recettes.

«  La dépense publique représente 57 % du PIB, c'est à ça qu'il faut s'attaquer. Cela allégera le coût de notre dette sur les marchés internationaux et donnera de la visibilité aux acteurs qui, sachant qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts à venir, pourront investir », a soutenu jeudi 15 mai Éric Lombard, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, qui veut ramener le déficit de 5,8 % en 2024 à 5,4 % en 2025.


Le délai de paiement comme variable d’ajustement

Une autre étude complète le baromètre de Bpifrance : celle du cabinet Arc (2), conduite auprès de 500 entreprises de plus de 50 salariés. On y apprend que 88% des dirigeants sont pessimistes, convaincus que la situation économique française va continuer à se dégrader en 2025. Seulement 12% d’entre eux anticipent une croissance de leur activité, un niveau plus bas qu’en pleine crise sanitaire, et la quasi-totalité des répondants pense que des clients vont déposer le bilan.

La trésorerie des entreprises est fragilisée sur plusieurs fronts. Parmi eux, le désengagement des banques vis-à-vis des TPE-PME qui n’ont pas encore remboursé leur PGE, ainsi que celui, plus global, des assureurs-crédits. Manquant de fonds propres, les entreprises pourraient avoir du mal à tenir, d’autant que l’insuffisance de la demande se fait encore ressentir.

Pour pallier les problèmes de trésorerie, 80% des entreprises font le choix d’allonger leur délai de paiement, rapporte le cabinet Arc. Ils sont en moyenne de 17,3 jours contre 14,8 jours il y a un an et demi. Plus précisément, les PME mettent 19,4 jours à payer et les grandes entreprises 16,7 jours. « C’est un grave sujet de préoccupation », a insisté Éric Lombard, qui a fustigé les délais des entreprises en tête de filière, qui se répercutent sur le reste de la chaîne.

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La facture électronique et des amendes comme solutions

Mais l’Etat n’est pas non plus tout blanc en la matière : par le biais des collectivités territoriales et des hôpitaux, il est l’un des acteurs aux délais de paiement les plus longs. Si bien que plus d’une PME sur deux ne répondent plus aux appels d’offres publics par crainte de ne pas être payées ou de subir des délais trop longs, pointe l’étude d’Arc.

Face à cette situation, Éric Lombard met en avant la facture électronique, qui doit permettre d’accélérer les paiements. « Nous savons que les petites entreprises trouvent cela coûteux, mais il faut voir l’énorme simplification que cela apportera », a défendu le ministre. L’obligation de réception a été fixée au plus tard à septembre 2026 pour les grandes entreprises et les ETI, et jusqu’en septembre 2027 pour les PME et les micro-entreprises.

Parmi les autres solutions visant à réduire les délais, plus de 80% des sondés du cabinet Arc plébiscitent la mise en place d’une amende proportionnelle aux résultats. « La majorité considère qu’une amende plafonnée à 2 millions d’euros pour une grande entreprise réalisant des milliards en chiffre d’affaires a l’effet d’un coup d’épée dans l’eau », souligne Kérine Tran, directrice générale du cabinet Arc.

Interrogé sur cette éventualité, Éric Lombard répond : « Nous avons demandé à la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) une analyse de la situation et de nous faire des propositions. Tout est sur la table, c’est un sujet sérieux qu’il faut traiter. »


Anticiper les relances

Le problème est tout sauf neutre : 93% des dirigeants estiment que le non-respect des délais de paiement peut nuire à la santé d’une entreprise et conduire à un dépôt de bilan. Pour autant, les entreprises osent-elles relancer leurs clients ? Pas vraiment.

Près de 50% des entreprises interrogées avouent ne pas relancer leurs clients grands comptes (i.e. des PME ou grandes entreprises qui constituent une part importante de leur chiffre d’affaires). Elles ont très souvent peur d’abîmer la relation commerciale.

« Les entreprises sont souvent tétanisées à l’idée de perdre leur client principal. Pour parer cela, il faut bien gérer son poste client : les relances doivent être anticipées dès l’émission de la facture afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’objection lors du paiement », conseille Denis Le Bossé, président du Cabinet Arc.

A ce sujet, l’AFTE tient à rappeler son attachement au respect des délais de paiement, qu’ils soient contractuels ou légaux. Elle tient également à rappeler l’importance de la liberté contractuelle entre deux parties et s’oppose ainsi aux initiatives réglementaires, comme un raccourcissement par voie légale, pouvant l’entraver. Cela risquerait d’altérer le crédit interentreprises et d’augmenter la dépendance au crédit bancaire, tout en pénalisant nos entreprises par rapport à d’autres juridictions où prévaut la liberté contractuelle.

Cette position était à retrouver dans l'édition de la Lettre du Trésorier de février 2024.

(1)     Baromètre Bpifance Le Lab – Rexecode : « Trésorerie, investissement et croissance des PME / TPE », 13 mai 2025, Bpifrance. Les réponses ont été collectées auprès de 1.200 chefs d’entreprise entre le 14 et le 25 avril 2025.
(2)    Relance, confiance, gestion de trésorerie, financement, quelle vision ont les entreprises et que plébiscitent-elles ?, 15 mai 2025, Cabinet Arc. Les réponses ont été collectées auprès de 500 entreprises de plus de 50 salariés entre le 8 et le 28 avril 2025.