La Banque de France pointe les mauvais délais de paiement des grandes entreprises
Points clés :
- Plus de 50 % des grandes entreprises règlent désormais dans un délai au-delà du plafond règlementaire de 60 jours ;
- Les délais de paiement représentent 13 milliards d’euros de déficit de trésorerie pour les PME ;
- Sans prétendre les réduire à zéro, la réforme de la facture électronique devrait aider à réduire les délais de paiement.
Le tableau général des délais de paiement s’est amélioré en France en 2024. Les délais dans lesquels les entreprises payent leurs fournisseurs et ceux dans lesquels elles ont été payés par leurs clients ont tous les deux diminué d’1,5 jour, d’après les données de la Banque de France, présentées aux Assises des délais de paiement le 17 octobre (1).
Ces chiffres cachent toutefois une réalité hétérogène : les bons payeurs ont mieux payé en 2024, tandis que les mauvais ont allongé leurs délais. Les bons payeurs, à savoir ceux qui réduisent leurs délais, concernent les microentreprises, les petites et moyennes entreprises ainsi que les entreprises de taille intermédiaire.
Les « mauvais payeurs » sont les grandes entreprises, seul groupe à avoir étendu ses délais l’année dernière, s'est désolé François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Elles seraient désormais plus de 50 % à payer au-delà du plafond règlementaire de 60 jours.

Source : Banque de France
Malgré quelques divergences, les derniers chiffres présentés par Altares pour le troisième trimestre 2025 tendent à confirmer cette tendance, avec une amélioration du délai de paiement des PME tandis que le comportement des grandes entreprises resterait neutre. Le spécialiste de la donnée d’entreprises fait part d’un retard moyen de 14,1 jours en France, déjà atteint fin juin, qui se situe désormais au-dessus de la moyenne européenne de 14 jours.
Déplafonnement des amendes
Au total, les délais de paiement ont représenté 13 milliards d’euros de déficit de trésorerie pour les petites et moyennes entreprises, qui seraient « les principales bénéficiaires d’une disparition des retards », indique la Banque de France. Les microentreprises récupéreraient 4 milliards d’euros de trésorerie, tandis que les PME (hors microentreprises) en récupéreraient 9 milliards.
Pour remédier à cette situation, la proposition de déplafonner le montant des amendes liées aux retards de paiement a de nouveau été discutée. « Nous devons ajuster nos instruments de sanction » a plaidé François Villeroy de Galhau, en parlant d’un pourcentage du chiffre d’affaires de l’entreprise mise en tort, qu’on situe souvent à 1 % ou 2 % lors des débats.
L’effet dissuasif serait immédiat. Darty a par exemple récemment écopé d’une amende de 1,95 millions d’euros en la matière, proche du maximum légalement autorisé. Si l’amende était fixée à 1 % du chiffre d’affaires, le montant aurait été de 80 millions d’euros. « A l’ACPR, lorsque nous avons augmenté le plafond pour les contrats d’assurance-vie non-réclamés. Je vous prie de croire que les assureurs se sont rapidement mis en ordre de marché », a rapporté Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit à la Banque de France.
Mais un constat a aussi été renouvelé lors de ces Assises : l’Etat compte parmi les mauvais payeurs. Les comportements de paiement sont plutôt rigoureux dans les collectivités (communes, régions, départements) mais se dégradent lorsque l’échelle augmente. « Il s’agit en réalité de problèmes de fonctionnement, d’éloignement et parfois budgétaires. 78% des ministères règlent avec un délai de 1 à 30 jours et 12 % au-delà de 30 jours », a souligné Thomas Bonte, responsable des études à Crédit Safe.
Le recours aux médiateurs pour recréer du dialogue a été présenté comme une solution possible pour régler les différents, ou à minima pour mieux comprendre leurs causes.
Problèmes d’organisation et facture électronique
Sectoriellement, le milieu de la santé pointe toujours comme parmi les mauvais élèves, plombé par le secteur public. Mais cette situation masque une nouvelle fois une réalité hétérogène, car des exemples d’hôpitaux réglant rubis sur l’ongle ont été donnés. D’autant que ces retards sont souvent liés à des situations budgétaires compliquées.
D’autres secteurs, comme l’immobilier, l’information et la communication ou les services aux entreprises ont aussi été répertoriés comme de mauvais payeurs dans les données de la Banque de France, avec une moyenne nettement supérieure à celle de l’ensemble de l’économie.
Mais ces disparités sont aussi l’occasion de rappeler que les retards de paiement ne sont pas seulement une affaire de mauvaise volonté. Il existe de nombreux problèmes liés à une mauvaise organisation, avec des processus nécessitant parfois l’intervention de six à sept personnes pour valider un bon de commande.
Sans prétendre les réduire à zéro, la réforme de la facture électronique devrait apporter sa pierre à l’édifice. En vigueur progressivement à partir de septembre 2026, elle devrait permettre d’éviter certaines erreurs et les allers-retours correspondants. Mais un mauvais payeur restera toujours un mauvais payeur.
Bien que l’entrée en vigueur se fasse l’année prochaine, les entreprises sont d’ores et déjà invitées à préparer leur transition. Les appels d’offres de certaines entreprises pouvant prendre jusqu’à trois ou quatre mois, cela fait débuter l’intégration vers février. « C’est déjà trop tard pour une organisation un minimum complexe », indique Sylvain Le Hénaff, directeur commercial de TRESO2.
(1) : Les Assises des délais de paiement ont été co-organisées par l’association des credit managers (AFDCC) et la Fédération nationale de l’information d’entreprise, de la gestion de créances et de l’enquête civile (Figec).