A quoi ressembleront les moyens de paiement dans dix ans ?

janvier 2025
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Auguste Grignon Dumoulin
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Le monde des paiements évolue à toute vitesse. Le sujet est hautement stratégique car il s’agit du point d’entrée des revenus d’une entreprise. Les innovations ne cessent d’affluer dans le secteur, qui est devenu un enjeu majeur pour les entreprises ainsi que les autorités nationales et supranationales.

C’est pour ne pas perdre le fil qu’un exercice prospectif a été mené lors du dîner-débat organisé début décembre par la délégation Hauts-de-France, à Lille. L’objectif était d’imaginer à quoi ressembleront les moyens de paiement dans dix ans. Si on se les figure aisément plus efficace techniquement, il est un point qui est encore trop peu pris en compte : la souveraineté.

Virginie Mélaine-Christensen, directrice générale d’Ayden France, Marc d’Espagnon, responsable des paiements et du cash management chez BNP Paribas, ainsi que Florence Ségurel, présidente de la commission « moyens de paiement » de l’AFTE, ont essayé de répondre à cette question.

Des paiements plus rapides et flexibles

Tout d'abord, les participants ont mis l’accent sur le parcours du client, qui devrait se montrer plus rapide et flexible avec le temps. « C’est une question d’émotion », a assuré Virginie Mélaine-Christensen.

La rapidité est déjà un sujet important. Il devrait malgré tout encore gagner en attention car la part de nouvelles générations, accoutumées au numérique depuis leur naissance, va continuer de croître dans le mix total des clients. Or elles sont les plus sensibles à la vitesse des services en ligne. C’est donc pour ne pas les frustrer, et risquer de perdre des clients au moment de l’acte d’achat, que les entreprises veilleront à répondre à leurs exigences.

De même, les services seront toujours plus nombreux et accommodants : paiement en plusieurs fois, cartes prépayées, cashback… La palette d’options en matière de paiement continuera de s’élargir afin de contenter les consommateurs. La sécurité sera aussi renforcée, allant de pair avec une utilisation toujours plus faible des paiements par chèque, qui constitue le moyen de paiement le plus propice aux fraudes.

« Explosion » du taux d’équipement en wallets

Mais l’élément incontournable du futur des paiement sera l'importance prise par les wallets. Ces portefeuilles numériques, disponibles sur téléphone, peuvent contenir des cartes dématérialisées de paiement ou de fidélité, et pourquoi pas différents services tels que de l’assurance. Leur apparente simplicité combinée à la généralisation de l’usage des mobiles en font un outil de choix.

Dans un sondage réalisé en 2023 (1), 65% des décideurs interrogés (CEO, DSI, DAF, directeurs e-commerce) voyaient déjà le portefeuille numérique devenir le moyen de paiement du futur.

« Tant qu’il y a de la fluidité, de la rapidité et de la sécurité, le client peut faire abstraction du moyen de paiement. Dans 10 ans, je vois nos cartes finir dans un musée et le paiement se consommer par le biais d’un wallet », a estimé Florence Ségurel. Un propos abondé par Marc d’Espagnon, qui voit le taux d’équipement en portefeuilles numériques « exploser » dans les années à venir.

Risque sur la souveraineté

D’autant que la marche est déjà engagée. Le nombre de transactions sans contact par mobile a connu une hausse de 61% au premier semestre 2024 en France et représente désormais 13,5% des paiements par carte en point de vente, d’après les derniers chiffres de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement. Cette tendance prend de l’ampleur et rien ne laisse supposer qu’elle s’enraye.

Ce fort développement pose toutefois une question : qui sont et qui seront les acteurs derrière ces portefeuilles numériques ? Actuellement, le paysage est dominé par des Américains : Apple Pay, Google Pay, Paypal sont les plus connus. Or avec la maîtrise du wallet, vient celle des données, des rails de paiement en Europe et la possibilité de pousser ses propres services auprès des clients. « Celui qui aura le wallet aura une relation directe avec le consommateur et, finalement, le pouvoir », pointe Florence Ségurel.

Une réponse européenne a été apportée par un consortium de banques en 2024 : Wero, une solution de paiements instantanés, qui ambitionne de devenir le wallet européen de référence d’ici à 2027. Son développement tardif s'explique par les intérêts divergents de certaines banques, mais il est désormais lancé. Disponible dans trois pays dont la France à fin 2024, deux autres doivent encore s’ajouter à la liste cette année.

« En tant que française vivant à l'étranger et revenant en France, j’ai été déçu en voyant le manque d’engouement des investisseurs nationaux pour maintenir le niveau face aux acteurs américains. La technologie était là et aurait pu être mise en place il y a plusieurs années. Il faut maintenant rattraper le temps perdu », a enjoint la directrice d’Ayden France.

Ces questions de souveraineté trouvent un écho particulier dans l’actualité. La commission européenne a ouvert fin 2024 une phase d’analyse et de collecte d’informations auprès des grands acteurs, qui pourrait déboucher sur une enquête quant à un potentiel abus de position dominante. L’opacité des frais et leur augmentation continue pénalisent de nombreuses entreprises européennes sans n'ajouter aucune valeur. L’avenir des moyens de paiement se situe donc assurément à un croisement entre efficacité, sécurité et souveraineté.

(1) : Sondage réalisé par la solution de paiement Lyra entre le 11 avril et le 16 mai 2023 via la plateforme Spoking Polls.

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