Les règlementations sur les services de paiement ne devraient pas entraver la centralisation des liquidités
La centralisation des liquidités dans un groupe, via des cash pools manuels ou automatiques, est une pratique courante pour optimiser la gestion financière. Elle implique souvent le déplacement physique de fonds entre entités juridiques. Les trésoriers utilisent aussi des comptes courants pour simplifier les flux commerciaux intragroupes, évitant ainsi les comptes bancaires. Un modèle plus avancé consiste à centraliser tous les paiements et encaissements via une entité centralisatrice. Cependant, les nouvelles réglementations européennes sur les services de paiement pourraient confondre cette pratique avec d'autres activités financières, risquant de compliquer la gestion des liquidités pour les trésoriers.
La centralisation des liquidités dans un groupe constitue un élément de bonne gestion financière et passe généralement par la mise en place d’un ou plusieurs cash pools manuels et/ou automatiques.
Dans la plupart des cas, la centralisation est effective, le cash se déplaçant des comptes d’une entité juridique (centralisatrice) à une autre (centralisée) ou l’inverse : on parle dans ce cas de cash pooling physique. Ces outils ne sont pas nouveaux.
Les trésoriers les connaissent depuis longtemps et sont généralement familiers de leurs mécanismes, qui peuvent toutefois être sujets à des particularités ou limitations en fonction des pays (1). Le trésorier a néanmoins cherché à pousser l’optimisation de la gestion des liquidités avec, par exemple, la compensation des flux de paiement des dettes et créances commerciales entre deux entités du groupe, ou par l’utilisation des comptes courants de l’entité centralisatrice pour le règlement de ces mêmes flux commerciaux intragroupes. Les comptes courants présentent l’avantage de ne plus avoir à passer par des comptes bancaires.
PAIEMENT ET ENCAISSEMENT POUR LE COMPTE DE
Mais on peut aller plus loin : en demandant aux clients de payer la société centralisatrice plutôt que la société qui a émis la facture, ou à la société centralisatrice de payer les fournisseurs. Dans ce schéma, le cash n’a plus besoin d’être déplacé, tous les flux s’effectuant depuis et vers la société centralisatrice.
Ces modèles de centralisation ultime ne sont que des extensions des structures traditionnelles de cash pooling et répondent aux mêmes objectifs d’optimisation de la liquidité et de simplification des relations bancaires (2).
Leur utilisation suppose la mise en place de paiements pour le compte de, et d’encaissements pour le compte de, avec des vérifications aux plans juridique et fiscal, le paramétrage des outils de communication bancaire et de trésorerie permettant le suivi des flux et le lettrage des factures, et la mise à jour des conventions de trésorerie. L’utilisation de champs XML adaptés pour identifier les entités juridiques ultimate creditor et debtor, et le recours aux comptes virtuels permettent de construire des architectures efficaces.
Mais voilà que le petit monde du cash pooling et de l’optimisation de la gestion des liquidités se trouve affecté par la révolution dans le domaine des paiements, engagée depuis la première directive européenne sur les services de paiement (lire « Les contours de l’exception intragroupe dans le cadre des directives européennes sur les services de paiement », pages 20 et suivantes). A mesure qu’émergent de nouveaux modèles et acteurs, les règlementations s’adaptent. Mais en générant parfois des effets de bord non désirés.
C’est le cas s’agissant de la gestion des liquidités, dans lequel les législateurs, à l’occasion de la troisième directive européenne sur les services de paiement et de sa transposition en droit français, pourraient mettre dans un « même sac » : i) l’encaissement pour le compte de tiers des places de marché et autres financeurs participatifs et les dispositifs d’optimisation des liquidités intragroupes en place depuis des dizaines d’années, par exception au monopole bancaire ii) mais aussi le paiement pour le compte de tiers et la fourniture de services de paiement par l’entité centralisatrice aux entités centralisées, alors qu’il ne s’agit de centraliser que les instructions de paiement électronique, le paiement en tant que tel continuant à être effectué par les banques.
Cette manière d’appréhender, voire de confondre deux domaines de natures profondément différentes – mais liés par la polysémie du mot paiement - pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour le trésorier. C’est ce qu’il nous faut expliquer sans relâche aux législateurs. Offrir de nouveaux usages, de nouvelles sécurités, de nouveaux bénéfices pour notre écosystème, bien sûr, - et les trésoriers seront toujours au rendez-vous -, mais en prenant bien soin de ne pas remettre en cause, de ce fait, les avancées du passé.
Par David Héleschewitz, président de la commission « cash management international » de l’AFTE - Point de vue de La Lettre du trésorier d'avril 2024
Pour la consulter (réservé aux abonnés) : https://www.afte.com/les-tests-de-resistance-face-la-volatilite-du-cash-en-temps-de-crise