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Les marchés ne réagissent pas particulièrement à la dégradation de la note de la France par S&P

octobre 2025
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Auguste GRIGNON DUMOULIN
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Ouvert à tous

Le spread OAT-Bund à 10 ans reste concentré autour des 78 points de base. Les agences de l’Etat pourraient être plus impactées, tandis que les grandes entreprises profitent toujours d’une exposition internationale qui les dissocie du risque souverain.

Mêmes causes, mêmes conséquences : un mois après Fitch Ratings, l’agence de notation S&P Ratings a, à son tour, dégradé la note de la France. Le mauvais état des finances publiques et les fortes divisions entre les partis politiques ont une nouvelle fois motivé la décision. Le 17 octobre, la note de l’Etat français est ainsi passée de ‘AA-’ à ‘A+’, assortie d’une perspective relevée à « stable ».

L’agence Moody’s s’est prononcée quelques jours après, le 24 octobre. Elle a, contrairement à ses deux homologues, maintenu sa notation à ‘Aa3’. Mais, prélude d’une potentielle dégradation à venir, elle a révisé sa perspective de « stable » à « négative », s’autorisant à baisser la note si la trajectoire des finances publiques ne s’améliore pas.

Car la situation s’est effectivement dégradée ces dernières années. Située à 113% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, la dette publique pourrait atteindre 121% en 2027 et 128% en 2028 si aucune mesure d’assainissement significative n’est prise, d’après les prévisions respectives de Fitch et S&P. Le déficit a atteint 5,8% du PIB en 2024 et est attendu autour de 5,4% en 2025. Il devrait rester au-dessus des 5% sur les trois prochaines années. L’absence de consensus politique complique la mise en place de réformes fiscales et pousse les agences à se montrer pessimistes.

Impact sur les agences de l’Etat

Les marchés n’ont toutefois pas réagi aux publications de deux agences, les investisseurs ayant déjà intégré cette nouvelle donne pour la France. L’écart de rendement entre les obligations souveraines allemande et française à 10 ans (spread OAT-Bund) est resté autour de 80 points de base, un niveau atteint pour la première fois lors de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et qui s’impose désormais comme la nouvelle norme. Le taux de l’obligation française à 10 ans se maintient vers les 3,4%.

C’est une autre histoire cependant pour les agences de l’Etat, qui sont susceptibles d’être plus impactées. « La dégradation de la note française impacte la pondération du risque sur la dette de certaines agences détenues à 100% par l’Etat, ce qui oblige les banques à provisionner plus de capital pour les détenir à leur bilan. Le ratio de risk weighting CRR de la réglementation européenne pour certaines d’entre elles est passé de 20% à 50%, soit le même niveau que pour la dette obligataire d’entreprise de catégorie Single A », explique Antoine Charles, Directeur Debt Capital Markets France, Belgique et Luxembourg chez Barclays.

Avant la dégradation de S&P, ces agences n’éprouvaient aucune difficulté à se financer. L’émission réussie de la Caisse des Dépôts et Consignations le 11 octobre est un exemple parmi d’autres : elle a levé 1 milliard d’euros avec une prime de 8 points de base au-dessus de l’OAT pour un carnet d’ordres de plus de 3,5 milliards d’euros. Depuis l’Agence Française de Développement s’est aussi financée avec un abondement de 300 millions d’euros d’une souche existante à 28 points de base au-dessus de l’OAT. 

« Reste à voir si les nouvelles pondérations pénaliseront ces agences sur le long terme. A court terme le sujet tourne plutôt autour de la volatilité du spread franco-allemand dans le contexte de l’incertitude politique actuelle et de l’élaboration du budget français pour 2026 », pointe Antoine Charles.

Pas de difficulté pour les grands émetteurs

Du côté des grandes entreprises, la confiance dans les émissions se maintient. Capgemini, Sanofi, EDF, Engie, Air Liquide, Orange, Schneider Electric, Bureau Veritas, Renault ou encore Veolia ont placé avec succès des obligations ces dernières semaines, sans prime particulière notable. Elles ont beau être listées à Paris, la diversification de leur activité et leur exposition internationale conduit les investisseurs à les dissocier du risque souverain.

Seule EDF dispose d’une note liée à l’Etat français (les agences accordent une bonification de plusieurs crans sur la qualité de crédit intrinsèque d’EDF liée au caractère stratégique pour l’Etat), faisant potentiellement de l’énergéticien l’entreprise la plus concernée. « Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, sa perspective ayant été relevée à « stable » par Fitch le 19 septembre en raison du caractère vital d’EDF dans le programme nucléaire français », précise Emmanuel Bulle, directeur senior, responsable de la recherche sur les entreprises EMEA à Fitch Ratings. L’entreprise conserve un très bon accès au marché, en témoigne le succès de sa récente émission obligataire hybride.

« Depuis le mois d’avril, les sujets qui impactent le plus significativement les primes d’émission des corporates français sont plutôt les décisions de l’administration Trump, notamment sur le commerce avec la Chine. Le risque inflationniste lié à des taxes douanières supplémentaires peut impacter négativement le marché », indique Antoine Charles.

De façon générale, les entreprises high yield sont en revanche plus soumises à la prudence et la sélectivité des investisseurs. La prime de risque sur le marché euro pour ces émissions tourne autour de 320 bp, quand elle est de 76 bp pour les entreprises investment grade.