Lutter contre les retards de paiement sans nier la liberté contractuelle

juin 2024
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Cédric Dondain - AFTE
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Ouvert à tous

La Commission européenne propose un règlement pour remplacer la directive de 2011 sur les retards de paiement dans les transactions commerciales, visant une harmonisation plus efficace au sein de l'UE. Ce règlement interdirait les délais de paiement de plus de trente jours et renforcerait les sanctions contre les retards de paiement.

L'AFTE et l'EACT soutiennent l'initiative mais critiquent la limitation de la liberté contractuelle, craignant des effets négatifs sur la compétitivité et le financement des entreprises européennes. Ils suggèrent de se concentrer sur les retards de paiement tout en préservant la négociation des délais de paiement pour tenir compte des spécificités sectorielles, notamment pour les PME. La proposition soulève également des inquiétudes quant à l'augmentation de la dépendance aux crédits bancaires et à l'alourdissement du fardeau administratif pour les entreprises.

La Commission européenne a présenté en septembre 2023 une proposition de règlement « concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales ». Ce texte, d’application directe, est appelé à remplacer une directive de 2011 du même nom, dont l’exécutif européen estime que les transpositions dans les droits nationaux n’ont pas abouti à une harmonisation satisfaisante des pratiques dans l’Union européenne. La proposition de loi, qui s’applique aux paiements interentreprises et entre les gouvernements et les entreprises, se propose notamment d’interdire les délais de paiement supérieurs à trente jours, même négociés de gré à gré, et de muscler l’arsenal répressif à l’égard des acteurs économiques se rendant coupables de retards de paiement.


L’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) - comme d’ailleurs l’European Association of Corporate Treasurers (EACT) – soutient pleinement l’initiative de la Commission européenne visant à encourager le respect des délais de paiement, qu’ils soient contractuels ou légaux. Mais avec l’EACT, elle estime que la remise en cause de la liberté contractuelle emporte plusieurs risques, au premier chef une perte de compétitivité des entreprises de l’Union européenne et une dégradation de leurs conditions de financement, cela alors que les taux d’intérêt risquent de demeurer élevés.


Faisant le constat que le texte proposé aux parlementaires européens entretient une confusion entre les retards de paiement – son objet – et les délais de paiement, l’AFTE invite le législateur européen, d’une part à se focaliser sur les retards de paiement, préjudiciables à la bonne marche de l’économie et susceptibles de fragiliser les entreprises de taille modeste, en fixant un délai maximum de retard harmonisé dans l’Union européenne, et d’autre part à privilégier la liberté contractuelle.


La libre négociation des délais de paiement entre clients et fournisseurs permet de prendre en compte les spécificités sectorielles. Dans des activités comme l’agriculture ou encore le commerce de détail, soumises à des cycles saisonniers, elle permet à des PME de ménager leur trésorerie. Toutefois, dans un régime de liberté contractuelle, si l’on veut prémunir les PME, quelle que soit leur activité, des pressions pouvant être exercées par des clients de poids, il est nécessaire qu’en matière de retard de paiement, les contrôles soient effectifs et les sanctions dissuasives.


S’agissant de l’objectif visant à faire passer toutes les entreprises de l’Union européenne sous la même toise d’un paiement à trente jours, il est de nature à altérer leur compétitivité. D’abord parce que le crédit interentreprises constitue une source de financement centrale (il représente de 36 % des dettes pour les PME à 28 % pour les grandes entreprises, selon la Banque de France) et que le restreindre reviendrait notamment à augmenter la dépendance aux crédits bancaires. Ensuite parce que cette contrainte pénaliserait les entreprises européennes par rapport à leurs concurrentes des juridictions où prévaut la liberté contractuelle.


Enfin, l’AFTE estime que les nouvelles obligations déclaratives instaurées par la proposition de règlement (les grandes entreprises, par exemple, devraient publier un rapport annuel sur leur politique en matière de délais de paiement) ne feraient qu’alourdir un fardeau administratif déjà coûteux, propre à nuire à la compétitivité des entreprises européennes déjà soumises, notamment, à une inflation de rapports en matière de durabilité.


Par Cédric Dondain, président de la commission « BFR et optimisation du cash » de l’AFTE - Editorial de La Lettre du trésorier de février 2024
 

Pour la consulter (réservé aux abonnés) : https://www.afte.com/indices-de-reference-transition-suite-et-fin