Trésorerie des grandes entreprises et ETI : résilience sous tension
Début octobre 2025, l’AFTE, METI et Rexecode ont interrogé les trésoriers des grandes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en France afin de faire le point sur leur situation de trésorerie, leurs anticipations de financement et les risques à venir. Le rapport publié le 13 octobre par Rexecode offre un éclairage sur un paysage contrasté : des signes de résistance, mais aussi des fragilités croissantes.
Des signaux encourageants… mais fragiles
Le solde d’opinion sur la trésorerie globale gagne 1 point, atteignant un niveau supérieur à sa moyenne de long terme
Le jugement sur la trésorerie d’exploitation s’améliore nettement, avec un bond de +8 points, se rapprochant de sa moyenne historique. Toutefois, cette amélioration reste dépendante d’une activité économique modeste.
Parmi les entreprises ayant recourt au financement bancaire, leur proportion atteint 69 % (+5 points) — signe que les acteurs continuent de s’appuyer sur la dette bancaire pour soutenir leur trésorerie.
La plupart des trésoriers jugent les taux d’intérêt appliqués à leurs crédits « stables » (34 %) — une évaluation plus favorable qu’au mois précédent (29 %).
Ces éléments témoignent d’une capacité de résistance des structures financières des grandes entreprises et des ETI, dans un contexte macroéconomique pourtant difficile.
… Mais des risques majeurs persistent
1. Délais de paiement clients en forte détérioration
Le point le plus inquiétant du mois : les jugements sur les délais de paiement de leurs clients se détériorent de 6 points. 30 % des trésoriers rapportent une allongement récent de ces délais, tandis que seulement 2 % constatent une réduction. C’est un record hors période Covid.
En parallèle, le solde commercial (différence entre délais clients et délais fournisseurs) reste plus défavorable que d’ordinaire.
Cela accroît les tensions de trésorerie, notamment pour les entreprises les plus exposées ou avec des marges serrées.
2. L’ombre des taux souverains
Un risque structurel plane : 41 % des trésoriers anticipent que le niveau élevé des taux d’intérêt souverains risque de peser durablement sur leurs conditions de financement.
Parmi ceux qui anticipent un impact :
54 % estiment que l’évolution de leurs conditions de financement sera corrélée à celle des taux souverains
29 % craignent un élargissement de l’écart de taux, défavorable à leurs conditions d’emprunt
11 % envisagent au contraire un resserrement de l’écart, favorable à l’emprunt des entreprises
Dans un contexte budgétaire et politique tendu, avec des taux souverains à 10 ans pouvant se stabiliser autour de 3,5 % voire remonter, cette menace pourrait devenir plus concrète.
3. Moindre pression des matières premières… mais vigilance face au change
La proportion d’entreprises jugeant l’impact des prix des matières premières comme négatif recule à 47 % (un niveau plus favorable).
Entre-temps, 37 % des trésoriers estiment que l’évolution du taux de change euro/dollar a un effet positif sur leur trésorerie.
Cependant, un euro trop fort pourrait, à terme, nuire à la compétitivité des exportateurs, ce qui reste un facteur d’inquiétude.
Analyse et perspectives
L’enquête d’octobre met en lumière un équilibre délicat : les trésoreries tiennent pour l’instant, mais les fragilités sont nombreuses. Le principal foyer de tension demeure l’allongement des délais de paiement et l’envolée des taux souverains.
Il faudra observer les prochains mois avec attention :
Si les conditions de financement se tendent, certaines entreprises pourraient se retrouver prises en étau, notamment celles faisant face à des marges pressurisées ou des besoins de trésorerie élevés.
Le retour à une forte croissance économique pourrait alléger la pression sur les trésoreries, mais l’environnement global (taux, inflation, incertitudes géopolitiques) reste incertain.
Les politiques publiques en matière de paiement (lois, incitations, sanctions) pourraient jouer un rôle important pour atténuer les effets d’un allongement des délais clients.
En conclusion
Les résultats d’octobre de l’enquête AFTE-METI-Rexecode montrent une trésorerie résiliente — pour l’instant — parmi les grandes entreprises et ETI. Néanmoins, des signaux préoccupants appellent à la prudence : les délais de paiement clients à un niveau record, et la menace d’un renchérissement du coût du financement en cas de remontée durable des taux souverains.
La participation de tous à cette enquête est importante pour l'AFTE, plus vous serez nombreux à répondre, plus la pertinence des données sera grande, nous comptons sur vous tous pour répondre à la prochaine enquête de novembre.