Choix de la marque : « La nouvelle guerre des boutons »

mars 2025
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Oaklen
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Ouvert à tous

Début 2025 deux sanctions de la DGCCRF mettaient sur le devant de la scène un sujet dont les contours réglementaires semblaient stables depuis le Règlement Interchange de 2015 : le choix de la marque de paiement lors d’une transaction carte.

Ce sujet est spécifique aux marchés qui disposent d’un réseau de paiement domestique tel que Cartes Bancaires en France, Bancontact en Belgique ou Bancomat en Italie. Dans ces pays, les cartes de paiement sont cobadgées supportant à la fois un réseau international, Mastercard ou Visa, et le réseau domestique.

Avant 2015 le choix de la marque de paiement utilisée était totalement à la main du commerçant, voire de son acquéreur. Depuis 2015, en présence d’une carte cobadgée, le Règlement stipule que le commerçant peut « orienter le choix du consommateur », mais « que celui-ci aura le dernier mot », comme expliqué sur le site du Ministère de l’Economie.

Ce texte, écrit dans un contexte de paiement “contact” en proximité, et “PAN centric” en e-commerce, définit les objectifs sans rentrer précisément dans les moyens. Ces deux principaux parcours avaient été décrit localement par les acteurs, et c’est le non-respect du règlement sur des parcours e-commerce qui a été sanctionné récemment.


Faut-il s’attendre à une agitation particulière sur le sujet 10 ans après l’entrée en vigueur du règlement ?

Les habitudes de paiement ont bien changé entre 2015 et 2025 : 

La carte de paiement a continué sa progression dans les usages (de 45% à 60% de tous les paiements en volume) ;

En proximité le paiement sans contact représente maintenant 70% des volumes cartes, dont une part de plus en plus importante via le paiement mobile ;

Le paiement mobile s’est lui construit initialement autour de solutions principalement mono-badgées avec les marques internationales, car ces réseaux étaient en avance sur la tokenisation, base technique de ces solutions ;

L’e-commerce se renouvelle lui-aussi avec l’arrivée de la tokenisation et des solutions basées dessus comme Click to Pay.

Cela montre clairement le passage d’un monde “contact” au “sans contact”, et d’un monde “PAN centric” vers un monde “tokenisé” : ces deux aspects n’étaient pas dans les esprits à l’époque de l’écriture du texte ni de ses déclinaisons opérationnelles.


Des nouveaux parcours à définir

Il faut donc s’attendre à de vraies batailles sur la définition de parcours de choix de la marque dans ces contextes :

Paiement sans contact : quels parcours sur les TPE ?
Paiement mobile : une simple variante du paiement sans contact ou l’occasion d’avoir un choix de la marque dans les interfaces du mobile ?
Paiements e-commerce : comment bien prendre en compte un choix de marque lors d’une tokenisation de carte, un des objectifs de la tokenisation étant aussi de simplifier l’expérience d’achat pour permettre un paiement en 1 clic lors d’une prochaine visite


Qui aura le mot de la fin ?

Plusieurs options, potentiellement concomitantes, sont possibles : 

Faire évoluer la réglementation, à l’image de l’Australie, pour la préciser en prenant en compte ces nouveaux usages. L’Australie impose qu’une carte physique cobadgée soit aussi cobadgée dans sa version tokenisée.

Organiser une concertation pour que les réseaux de paiement et les représentants du commerce trouvent des accords, via des discussions officielles et “publiques” sur le sujet (on peut penser à par exemple FrenchSys en France pour les cadrer) 

Maintenir une certaine part de “flou” ou de liberté, et faire que les acteurs de l’écosystème (commerçants, fournisseurs de Wallet, ...) aillent dans un sens ou un autre selon leurs accords avec tel ou tel réseau, et leur propre interprétation juridique avec le risque de nouvelle “guerre des boutons” pour inciter plus ou moins fortement le consommateur à choisir la marque de paiement


Le besoin d’un cadre clair

Quoi qu’il arrive il sera important que ces nouveaux parcours soient approuvés ou a minima commentés par les Autorités de Contrôle comme la DGCCRF pour donner aux acteurs un cadre clair sur le risque de sanction. 

À titre d’exemple, notre analyse récente des principaux site e-commerce français fait ressortir que près de 25% d’entre eux n’offrent pas le choix de la marque.